Harriet Taylor, John Stuart Mill et la naissance du féminisme « libéral ».
Conférence d'Aurélie Knüfer
Biblothèque Humanités, mardi 1er avril 2025, 17h.
Aurélie Knüfer est maîtresse de conférences en philosophie à l’Université Paul-Valéry (Montpellier) et membre de l’Institut Universitaire de France.
Ses travaux portent sur la philosophie féministe des XVIIIe et XIXe siècles et sur l’histoire des sexualités. Elle est notamment l’autrice de La Philosophie de John Stuart Mill (Paris, Vrin, 2021).
La rencontre est modérée par Cécile Lavergne, maîtresse de conférences en philosophie sociale et politique à l’Université de Lille et Sarah Troche, maîtresse de conférences en esthétique et philosophie de l’art à l’Université de Lille, toutes deux chercheuses au laboratoire Savoirs, Textes, Langage (STL, UMR 8163).
Cette rencontre a lieu dans le cadre du Printemps des sciences humaines et sociales, organisé par la MESHS (Maison européenne des sciences de l'homme et de la société).
La notion de féminisme libéral constitue aujourd’hui, pour de nombreux·se·s féministes, un véritable repoussoir. Pour Nancy Fraser et les autrices du Féminisme pour les 99 %, par exemple, il serait temps de se « débarrasser » de ce pseudo-féminisme, qui proposerait une « vision de l’égalité indexée sur les lois du marché » et ne viserait pas tant à «abolir la hiérarchie sociale» qu’à la «diversifier», en «permettant» à des femmes talentueuses d’atteindre le sommet. Or, si cette critique est convaincante lorsqu’elle vise certains discours contemporains, elle perd de sa pertinence quand on l’applique aux textes considérés comme étant à l’origine du féminisme libéral, à savoir les œuvres de Harriet Taylor et de John Stuart Mill : L’Affranchissement des femmes (1851) et L’Assujettissement des femmes (1869).
L’objet de cet exposé sera de mettre en évidence les spécificités du féminisme porté par les deux philosophes, pour lesquels il s’agit précisément de permettre aux femmes de développer leur «individualité», mais en un sens très éloigné du néo-libéralisme contemporain. Il s’agira aussi d’éclairer le rôle décisif joué par Harriet Taylor dans l’émergence de la philosophie féministe – rôle qui a été trop longtemps marginalisé, voire nié par les historien·e·s et la critique. Loin de n’avoir été que l’épouse et l’inspiratrice de John Stuart Mill, Harriet Taylor est à l’origine d’un des concepts les plus importants du libéralisme politique : celui d’«individualité».